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Inferno | February 24, 2016
Festival Faits d'Hiver : « Relative Collider », Smaranda Olcèse
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Liz Santoro et Pierre Godard : Relative Collider / au Théâtre de la Bastille dans le cadre du festival Faits d’hiver.
Ils sont pleins de fraicheur, portent des couleurs acidulées, ils transmettent une énergie débordante. Ils jouent à 1, 2, 3 soleil avec la cadence draconienne imposée par un métronome, ainsi qu’avec toute une série de contraintes, sans pour autant se laisser surprendre, sans jamais trahir cet enthousiasme communicatif. Le rythme saisit les spectateurs, les entrainant dans des boucles haletantes et hypnotiques.
La Postmodern dance américaine, cristallisée autour de la Judson Church, les neurosciences, le hasard cher à John Cage facilité par des algorithmes qui brassent large dans une impressionnante masse de textes, le travail de Liz Santoro et Pierre Godard se nourrit de sources et protocoles à la fois disparates et cohérents. Un gout pour la complexité, le défi, la maitrise, l’art combinatoire les réunit. Pourtant, de manière paradoxale, la terrible précision d’exécution qui caractérise cette danse laisse présager, encourage, fait éclore un esprit ludique irrépressible. La cadence s’accélère jusqu’au paroxysme, les quatre performeurs, trois danseurs et un récitant, sont survoltés. Gageons que les moments les plus passionnants de cette création se situent du côté des creux et intervalles, quand les corps résistent au tempo, complètement immobiles ou engagés dans des déploiements infinitésimaux, à peine perceptibles, semblent se charger d’énergie, réveillent et passent simultanément en revue toutes les combinaisons de gestes et enchainements possibles. Le temps est suspendu, aboli dans ces moments-là, même si on nous donne à entendre son défilement.
Naviguant sans cesse, à une vitesse parfois furieuse, entre les différentes échelles perceptives, Liz Santoro et Pierre Godard mettent en œuvre une véritable réflexion sur les politiques du regard.