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Critiphotodanse | 7 mars 2018
Noisy Channels / Une pièce inhabituelle dans un lieu tout aussi inhabituel..., J.M. Gourreau
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Liz Santoro & Pierre Godard : Une pièce inhabituelle dans un lieu tout aussi inhabituel…
Cela fait maintenant presque 10 ans que Liz Santoro et Pierre Godard travaillent ensemble, très exactement depuis 2009, année où Liz Santoro élabore ses premiers spectacles. Si Liz est issue de la Boston Ballet School tout en ayant fait des études de neurosciences, Pierre quant à lui s’est engagé dans des études d’ingénieur avant de se lancer dans le théâtre. Deux parcours diamétralement opposés mais qui expliquent leur goût pour les mathématiques, science qui constitue les bases de leurs chorégraphies. Leurs pièces, telles "Relative Collider" ou, plus récemment, "Maps", se caractérisent par une géométrie spatiale d’une précision qui n’est pas sans évoquer celle d’un mécanisme d’horlogerie suisse. C’est d’ailleurs cette dernière pièce qui est à l’origine de Noisy Channels, œuvre au cours de laquelle les chorégraphes « se trouvèrent confrontés à une étrange et délicieuse controverse, à un problème sur la manière de compter les pas et les temps. La moitié des danseurs comptait le rythme à la manière des musiciens classiques, les "un" sur le beat, tandis que la seconde moitié les comptait sur le up-beat, à la manière des musiciens de jazz ». Une situation paradoxale qui affectait la capacité des interprètes à concevoir puis réaliser leurs mouvements.
Alors, que faire lorsqu’un différend survient entre les protagonistes d’une œuvre sinon « d’aller contre le sens commun, de mettre au jour la complexité du réel, d’ouvrir la possibilité d’une exploration nouvelle ». Sitôt dit, sitôt fait ! Ces questions d’espace et de temps, d’intervalles et de bornes, de principes continus ou discontinus ont contraint les chorégraphes à retravailler leur proposition en créant un compromis entre les deux temps jusqu’à ce que les séquences s’enchainent et s’emboitent parfaitement, jusqu’à ce que la pièce coule comme un long fleuve tranquille, avec ses changements de rythme, ses vagues et ses remous. Abstrait, certes, mais fascinant.
La concrétisation de ce travail eut lieu dans un endroit inhabituel pour une soirée chorégraphique, à savoir sur une péniche, ce qui rendait le spectacle - déjà inhabituel par lui-même - d’autant plus attrayant. Liz Santoro & Pierre Godard saisirent en effet l’opportunité de présenter leur œuvre sur une péniche vouée depuis mars 2016 à l’accompagnement de pièces en production et coproduction interrogeant les relations que les individus et la société entretiennent avec les sons et la musique. Le premier des six spectacles prévus cette année au sein de cet "incubateur des musiques mises en scène" qu’est la "Pop", ex-péniche Opéra, amarrée sur l’eau du bassin de la Villette, quai de la Loire à Paris, fut dévolu à nos deux chorégraphes. « Un nid pas vraiment douillet ni reposant, parfois même difficile à stabiliser », nous dit, non sans une pointe d’humour, l'un de ses directeurs, Olivier Michel, « mais un nid qui a su faire émerger des objets artistiques aussi atypiques que captivants »...
Noisy Channels / Liz Santoro & Pierre Godard, artistes associés à l'Atelier de Paris, Péniche La Pop, Paris, du 6 au 8 mars 2018.
Dans la musique, le beat ou battement est l’unité de base du temps qui définit le rythme, lequel se caractérise par une séquence répétée de temps, forts ou faibles, divisés en barres organisées par des indications de tempo. Le temps fort est le premier temps de la mesure, c’est-à-dire le chiffre 1. Le up-beat, à l’inverse, est le dernier temps de la mesure, un battement non accentué.